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Face au Covid-19, l’illusion d’une « trêve sanitaire » au Sahel

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C’est acté : la pandémie mondiale de Covid-19 a traversé la Méditerranée, le Sahara, et couvre désormais l’ensemble des pays du Sahel. Pour le moment, si le bilan humain reste faible l’horizon qui se profile pose quant à lui de nombreuses questions.

Au 21 avril 2020, on décompte près de 1.500 cas avérés de COVID-19 au Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, et Tchad)
Au 21 avril 2020, on décompte près de 1.500 cas avérés de COVID-19 au Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, et Tchad)

La principale inquiétude concerne l’ampleur de la pandémie dans cette région minée par l’insécurité alimentaire, la pauvreté extrême, la sécheresse, les déplacements de population, et les conflits armés. En somme, les impacts humains et économiques que pourrait avoir la propagation du Covid-19 au Sahel sont inquiétants. Néanmoins, malgré un manque certain d’infrastructures médicales, l’expérience de ces pays en termes de lutte sanitaire nous empêche de pouvoir avancer avec certitude des conclusions hâtives quant au possible désastre à prévoir sur le continent africain.

L’état des forces armées françaises au Sahel au prisme de la pandémie mondiale

L’attention portée à l’endiguement du Covid-19 par l’ensemble des États et des organisations internationales depuis le mois de janvier 2020 ne doit toutefois pas occulter un fléau plus mortel, et plus enraciné : celui du terrorisme armé.

En grande majorité, les États occidentaux ont embrassé les uns après les autres une politique du confinement sur leur territoire. Par effet d’entrainement, les cartes de la lutte anti-terroriste au Sahel pourraient bel et bien être rabattues. En l’occurrence, la décision de l’État-major français annoncée le mercredi 25 mars 2020 de procéder au retrait temporaire de 200 soldats français missionnés en Irak, découle des risques que présente la pandémie de Covid-19 au Moyen-Orient.

Si le gouvernement français a immédiatement rassuré ses homologues du G5 Sahel, leur promettant que le Covid-19 n’allait en aucun cas impacter l’état des forces françaises au Sahel, rien ne nous indique que la propagation du virus en Afrique ne conduira pas la France à manœuvrer de la même manière qu’en Irak dans les semaines à suivre.

Par ailleurs, l’hypothèse d’une réquisition de plusieurs régiments français pour assurer le confinement de l’hexagone ouvertement envisagée par le ministère des Armées, représente une épée de Damoclès suspendue au-dessus des États membre du G5 Sahel. Cette réduction de l’investissement militaire français ne peut être sans conséquences directes sur l’équilibre des forces au Sahel.

Le fléau terroriste reste la principale source d’insécurité régionale

L’enjeu semble d’autant plus de taille que l’insécurité régionale ne se tarit pas. Au Mali et au Burkina Faso, les conflits inter-communautaires ne cessent de complexifier l’unité nationale face au danger terroriste. Sur le territoire malien, les Dogons et les Peuls sont toujours dans l’impasse puisqu’aucun accord de paix ne peut être signé tant qu’un rapport de force clair n’est pas établi entre les deux communautés. Au Burkina Faso, les conflits entre les populations Mossies et Peuls sont de plus en plus fréquents et alimentent un cercle vicieux de vengeance sans fin.

Or, à ces tensions inter-communautaires s’ajoutent une intensité ininterrompue des attaques de groupes armés terroristes dans la région. Dans le bassin du lac Tchad, l’État islamique du Grand Sahara, Boko Haram et sa faction dissidente islamique dite « Etat islamique dans la province de l’Afrique de l’Ouest » continuent de terroriser les populations locales et d’attaquer les forces de sécurité. Face à ces exactions, et faisant suite à l’élimination d’une centaine de soldats tchadiens le 26 mars 2020 à Bohoma, le Lac Tchad a été déclaré « zone de guerre » par le gouvernement d’Idriss Déby.

D’un autre côté, l’Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS) continue d’opérer au Mali, au Niger et au Burkina Faso, avec des moyens techniques toujours plus sophistiqués. La zone des trois frontières, où se rejoignent les frontières burkinabé, malienne et nigérienne, représente aujourd’hui le point brûlant de l’activité terroriste au Sahel.

Ainsi, le combat contre la propagation du virus ne peut ni suspendre la lutte contre le terrorisme régional ni occulter le danger qu’il représente. À l’heure actuelle, il est incombé au gouvernement français et aux États du G5 Sahel de définir un nouvel équilibre sécuritaire au Sahel, temporaire ou non : assurer la sécurité des forces mobilisées face au Covid-19, tout en garantissant une continuité de la protection des populations civiles face au terrorisme.

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François ROPARS 

Titulaire de deux masters en géopolitique, à l'IEP de Toulouse ainsi qu'à l'Université Paris I, il évolue aujourd'hui dans le milieu de la solidarité internationale en tant que chargé de Développement international pour une association œuvrant pour l'atteinte des Objectifs de Développement Durable. De par sa formation académique, il est un véritable passionné de relations internationales malgré un intérêt plus vif pour la zone sahélienne.

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